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La décharge de « TIVIRIT » : 13 ans que la localité suffoque…

La petite localité de Tivirit vit depuis 13 ans aux côtés de la plus grande décharge de la Mauritanie, qui reçoit quotidiennement près de 1000 tonnes de différents immondices.

Au fil du temps, cette décharge a commencé à étouffer la population de cette localité, qui respirait de plus en plus mal.

Plus de dix ans, les habitants de cette localité avaient refusé la présence de cette décharge qui s’agrandissait, jour après jour, polluant l’air devenu irrespirable, une situation que les autorités officielles continuaient d’ignorer, promettant juste du bout des lèvres une solution au problème.

Il y a quelques années, le cauchemar que craignait cette population s’est imposé, quand les maladies respiratoires se sont multipliées, les cancers aussi, tuants des dizaines de personnes, dont des enfants et des jeunes et que la situation ne faisait que s’empirer.

L’important désaccord entre les différents acteurs du dossier et l’incapacité des autorités à trancher, a aggravé la situation, entraînant un léger espoir quand on avait suspendu, en août dernier, le déversement des déchets dans cette décharge.

Pire, une société privée a entrepris de rassembler des milliers de tonnes de déchets hors de la décharge et à y mettre le feu de manière anarchique, rendant l’air irrespirable pour les habitants de la localité.

L’étude

Le mouvement de rejet face à la décharge de « TIVIRIT », l’un des plus anciens mouvements de protestation dans le pays, a fait parvenir une plainte à la justice, il y a trois ans.

Il y a six mois la cour suprême a tranché en faveur des populations de la localité et ordonné la fermeture de la décharge.

La justice s’est basée sur une étude réalisée par un expert environnemental à laquelle Sahara Medias a eu accès, qui confirme que la proximité de la décharge a contribué à l’apparition de maladies respiratoires et certains cancers.

Selon cette étude, entre 2007 et 2017 on a enregistré 23 cas de cancers à l’origine de 20 décès, alors qu’entre 1997 et 2007 on n’a enregistré qu’un seul cas de cancer.

L’étude fait la jonction entre la présence de cette décharge et l’augmentation des cas de cancers, l’air étant très pollué.

Autre raison qui a conduit à la décision de justice de fermer la décharge, la référence à la loi 045/2000 qui exige l’obtention d’une autorisation du ministère de l’environnement mais aussi l’absence d’une étude relative à l’impact environnemental.

La cour a estimé que cette étude n’a pas été réalisée et qui si elle l’a été, elle n’a pas été présentée au ministère de l’environnement pour certification, ce qui veux dire, pour la justice, qu’elle n’a tout simplement pas été réalisée.

Cette décision de justice, six mois après avoir été adoptée, n’est toujours pas appliquée, et des jeunes activistes de la localité demandent l’intervention du président de la république et le gouvernement pour mettre fin à leur calvaire, incapables de continuer de supporter les méfaits des immondices et des toxines mortels qui ont contraint d’ailleurs certaines familles à émigrer par peur pour leur santé.

Le début

Dans les années 90, du siècle dernier, la petite et paisible localité de Tivirit, située sur la route de l’espoir, constituait un lieu de rassemblement des grands hommes de la politique et des affaires.

Les habitants de la localité ont déclaré que leur situation avait changé, quand les autorités les ont informé, en 2004 que des hommes d’affaires allaient construire une usine de plastique à proximité de leur village, ce qui contribuera à l’amélioration de leurs conditions de vie et créera des opportunités d’emplois.

En 2007 l’usine s’est transformée en la plus grande décharge du pays, géré par la société française « PIZZORNO », chargée à l’époque du nettoyage de la capitale, d’où elle extrait, quotidiennement, près de 1000 tonnes de déchets.

La société française avait déclaré à l’époque qu’elle traitait ces déchets grâce aux techniques d’enfouissement qui consistait à creuser des fosses longues de 200 mètres, larges de 100 mètres et profondes de deux mètres.

Ces fosses seront couvertes de terre avant d’entreprendre une opération de reboisement qui empêcherait l’évaporation des gaz et des odeurs.

Les populations sont entrées en négociation avec la société PIZZORNO car elles estimaient que le travail effectuait par celle-ci était incomplet, car ne représentant que 30% seulement de ce qui se faisait dans le monde.

Ces négociations, autour du respect des normes internationales en la matière, se sont poursuivies jusqu’au moment où la société française avait mis fin à son contrat, après un différend avec les autorités mauritaniennes.

Depuis, disent les populations, la situation n’a fait que s’empirer depuis que la gestion des déchets a été confiée à la communauté urbaine de Nouakchott.

Les protestations des habitants de Tivirit ont atteint leur apogée en 2014 et l’arrivée sur place de l’ancien président Mohamed O. Abdel Aziz n’a rien changé, certains responsables ayant même déclaré que la décharge répondait aux normes internationales et qu’elle ne constituait aucun danger pour les populations.

Selon ould Yahi, l’un des plus fervents activistes dans ce dossier, un jeune de la localité qui était tombé malade s’est rendu au Sénégal et avait été surpris que les médecins lui aient demandé s’il travaillait dans les dépôts d’ordures.

Un autre activiste politique connu, Ahmed O. Houbab est décédé suite à une maladie de l’appareil respiratoire.

Le conseil régional de Nouakchott, responsable de la décharge, se défend en attestant que le traitement et l’enfouissement des déchets ne constituent aucun danger.

Dans un entretien avec Sahara Medias, Mohamed Abdallahi O. Sidi, conseiller chargé de l’assainissement, a affirmé que l’enfouissement des déchets dans la décharge, s’effectuait conformément aux critères techniques exigés.

Ould Sidi a ajouté que le centre d’enfouissement des déchets a été créé en 2007 sur financement de la banque mondiale, un organisme très pointilleux sur le respect de l’environnement, et que depuis sa création ce centre accueillait les déchets évacués depuis Nouakchott et cela jusqu’au 7 août dernier.

Le conseil régional de Nouakchott, selon ould Sidi, a poursuivi le même procédé qu’utilisait PIZZORNO selon les critères exigés en matière d’enfouissement de déchets.

Ould Sidi a cependant souligné que les déchets, depuis le 8 août dernier, ont commencé à s’entasser hors de la décharge depuis qu’une société, contractante avec le ministère de l’intérieur, a commencé à déverser les déchets à 800 mètres entre la localité de Tivirit et le centre d’enfouissement.

Le conseil régional, ajoute ould Sidi, a refusé aux agents de la société l’accès à son site d’enfouissement dont il ne veut pas partager la responsabilité avec d’autres parties.

Ce différend latent a entraîné l’accumulation des déchets sans traitement de milliers de tonnes, près de la localité de Tivirit, ce qui a aggravé la situation et entraîné les récentes manifestations.

Le conseil régional de Nouakchott qui décline toute responsabilité quant à la situation née de l’accumulation des déchets hors de son centre d’enfouissement, une situation anormale, se déclare cependant disposé à contribuer à tout ce qui pourrait résoudre ce problème et revenir à une situation normale.

L’activiste dans le domaine de la défense de l’environnement, Maïmouna mint Salek, a dit que la situation de la localité de Tivirit ne pouvait se régler que dans le cadre d’une volonté de l’état, eu égard à l’élargissement du fossé entre la présidente du conseil régional de Nouakchott, Fatimetou mint Abdel Malek et la société appartenant à l’union du patronat mauritanien bénéficiaire d’un contrat avec le ministère de l’intérieur pour le nettoyage de la ville de Nouakchott.

Dans un entretien avec Sahara Medias, mint Salek a dit que la présidente du conseil régional de Nouakchott a empêché l’accès de son centre d’enfouissement à la société chargée de nettoyer la capitale, et que celle-ci a entrepris de déverser les déchets dans les environs du centre et à les brûler, ignorant les dangers que cela représente pour les populations.

Mint Salek estime que la situation ne peut accepter de telles pratiques, ajoutant que la solution de cette épineuse question est entre les mains de l’état et non les populations qui n’ont d’autres solutions que de poser les problèmes aux autorités.

En attendant une solution pour cette question devenue « un problème d’opinion publique », le porte-parole du gouvernement a reconnu sa complexité, réaffirmant cependant que l’état trouvera une solution même si celle-ci demande une étude à divers aspects.

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