Tidjikja-Boumdeïd : une route qui ressuscite celle des caravanes du Sahara
Quand les mauritaniens, au milieu des années 70 avant entamé la construction de la route de l’Espoir, reliant l’ouest du pays à l’est et qui s’est achevée au milieu des années 80, ils réfléchissaient également à une autre route joignant cette fois le sud du pays à la partie nord.
Cet axe, le président Ghazouani vient d’en donner il y a deux jours le coup d’envoi du dernier tronçon, rapprochant un peu plus un ancien rêve des mauritaniens à même de redonner vie à une route que les caravanes ont emprunté des siècles durant joignant l’Afrique du nord aux pays du Soudan.
Depuis le plateau du Tagant, le président Ghazouani a posé la première pierre de la route qui doit relier les villes de Tidjikja et Boumdeïd, dévalant le plateau accidenté qui a longtemps constitué un obstacle entre des villes et villages du centre du pays.
En posant la première pierre de cet important projet, le président mauritanien consacre le désenclavement de plusieurs localités éparses, en aval du plateau, le tronçon le plus difficile sur cette route nationale qui va relier le sud et le nord du pays.
La route Tidjikja-Boumdeïd qui s’étend sur une distance de 156 kilomètres, répartie en deux lots, va désenclaver bon nombre de localités donty les plus importantes sont Dakhlet Merye, Nekaa, Ark Achout, Ederroum, Chouayil, en plus de Tachout Savra et Meksem Ben Amer.
Les détails de la route
Malgré l’importance prise par le tronçon Tidjikja-Boumdeïd, il n’en demeure pas moins qu’il demeure un tronçon d’une route plus importante qui s’étend sur 342 kilomètres qui va relier Gabou, sur la frontière mauritano-malio-sénégalaise, faisant d’elle une route de dimension régionale et internationale, car reliant la partie nord de l’Afrique à l’ouest du continent.
Selon le ministère de l’équipement et des transports la route qui s’étend de Tidjikja au fleuve Sénégal, à la frontière sud du pays, sera réalisée en 6 lots afin de désenclaver plus de 30 villes et villages, des zones à majorité vulnérables et pauvres.
Le premier tronçon de la route qqui débutera de Tidjikja jusqu’à Ghoudia, soit 84 kilomètres, permettra de désenclaver 7 localités, le second tronçon reliera Ghoudia à Boumdeïd, soit 70 kilomètres et désenclavera 11 villages.
Après cela, la route sera reliée à deux autres tronçons déjà réalisés, celui de Boumdeïd-Kiffa et la route Kiffa-Kankossa, jusqu’à Bouli, soit 36 kilomètres, un tronçon qui va désenclaver 4 villages.
Le quatrième tronçon va relier Bouli à Laboully en passant par la ville d’Oul Yengé, désenclavant ainsi 5 localités.
S’agissant du cinquième tronçon de cette route, long de 48 kilomètres, il ira de Laboully à Sélibaby quant au sixième tronçon il reliera Sélibaby à Gabou, soit une distance de 51 kilomètres.
Le pont de Karakoro
Le fonds arabe de développement, en évoquant le projet, a révélé que la route sera large de 7 mètres et pavée d’asphalte, avec des accotements de 1,5 mètres de chaque côté de la route.
Mais il a par ailleurs évoqué l’un des plus importants ouvrages de cette route, la construction d’un pont en béton sur l’oued du Karakoro.
L’oued de Karakoro est un fleuve saisonnier, fortement alimenté par les pluies diluviennes venant des hauteurs de l’Assaba, près de la ville de Kiffa, pour se déverser dans le fleuve Sénégal, l’un de ses principaux affluents et qui constitue une frontière naturelle entre la Mauritanie et le Mali.
Selon le fonds ce pont qui traversera l’oued du Karakoro sera long de 255 mètres et permettra la jonction avec le territoire malien dans ce qui est appelé l’axe Sélibaby-Bamako.
La jonction intérieure
La Mauritanie compte beaucoup sur cette route pour relancer l’économie du pays, d’autant plus qu’elle reliera les villes du nord et du sud, parachèvera le raccordement du réseau routier s’étendant de la ville de Zouérate à l’extrême nord, jusqu’à la ville de Gabou sur les rives du fleuve Sénégal à l’extrême sud, en passant par les wilayas du Guidimakha, l’Assaba, le Tagant, l’Adrar et le Tirs Al-Zemour.
Au sud il existe une wilaya agricole qui pourrait bien être constituer un grenier pour le pays, car riche de plus de 200.000 hectares de terres arables dont une partie très limitée est exploitée à cause de l’absence d’aménagements et la faiblesse des moyens dont disposent les agriculteurs.
A l’opposé trois wilayas par lesquels passe cette route l’Adrar, le Tagant et l’Assaba, abritent 75% des oasis que compte le pays, mais plus au nord il y a les minerais de fer et de l’or dans la wilaya du Tiris Zemour.
Selon les sources officielles interrogées par Sahara Medias, cette route va relier trois zones économiques diverses entre elles et facilitera le mouvement des personnes et des biens.
Dans sa déclaration faite lors de la cérémonie, le ministre mauritanien de l’équipement et des transports, Nani O. Chrougha a dit que cette route constitue un nerf vital longtemps attendu dans des zones qui étaient isolées du pays, ajoutant que l’axe par lequel passe cette route se caractérise par la densité de la population et l’importance économique.
Le ministre a affirmé que la route contribuera au développement de la production, ouvrira la zone par ailleurs et permettra une complémentarité avec le Maghreb arabe à travers l’axe Tidjikja-Atar-Zouerate et Tindouf mais aussi avec l’Afrique à travers l’autre axe Sélibabi-Bamako ce qui facilitera les échanges et le transport des marchandises.
Une route internationale
Alors que la Mauritanie attend de cette route un dynamisme économique dans des régions du pays dans les prochaines années, elle parie également à ce qu’elle soit l’une des routes commerciales les plus importantes dans la sous-région, de quoi rappeler la route des caravanes qui passaient par ce tracé pour joindre le nord du continent africain au pays du Soudan depuis quelques siècles.
Selon le fonds arabe de développement, cette route, prévue pour se terminer en 2025, va contribuer à la réalisation d’une complémentarité intermédiaire à travers le Maghreb arabe (l’axe Tidjikja-Atar- Zouerate-Tindouf) et à travers l’Afrique (Tindouf-Bamako) ce qui permettra la création d’un réseau routier international à même de contribuer au développement des échanges commerciaux et la diversité du commerce.
Le fonds arabe a révélé avoir accordé à la Mauritanie un prêt couvrant près de 57% du coût total de la route alors que la banque islamique de développement a contribué lui à la prise en charge du financement du quatrième tronçon soit 13% du montant total.
Selon le FADES l’état mauritanien prendra en charge le financement du troisième tronçon et couvrira par ailleurs les reste du coût du projet et les augmentations qui pourraient intervenir.
Dimension africaine
Avec le lancement des travaux du pont de Rosso, s’achève l’un des plus importants axes routiers africains, cet axe qui va de Tanger, au Maroc, et qui se termine à Lagos, au Nigéria, en passant par le territoire mauritanien à travers la route nationale Nouadhibou-Nouakchott-Rosso.
Des sources bien informées ont révélé à Sahara Medias que les autorités mauritaniennes prévoient, dès la fin de la construction du pont de Rosso, de transférer le bac vers la ville de Gouraye afin d’assurer le transport des personnes et des marchandises vers la ville sénégalaise de Bakel, sur l’autre rive du fleuve Sénégal.
De nouveaux choix vont donc apparaître s’agissant du mouvement des marchandises, les camions qui emprunteront la nouvelle route en provenance de l’Algérie, du Maroc et depuis le port autonome de Nouakchott, dès leur arrivée à Sélibabi, peuvent se rendre à Gabou pour traverser en direction du territoire malien à travers le pont de Karakoro ou se rendre à Gouraye pour traverser le fleuve en direction du Sénégal.
De quoi faire espérer une importante dynamique économique et commerciale sans précédent, au lendemain du début de l’exploitation du gaz naturel mauritanien et la tendance mauritanienne à développer le secteur agricole dans la région de la vallée, et à organiser le secteur minier, dans le cadre de ce que Ould Ghazouani a appelé « l’infrastructure d’appui à la production ».