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Mauritanie : des évènements politiques majeurs en 2017Mon, 01 Jan 2018 01:51:00 +0100

Deux faits majeurs ont préoccupé les mauritaniens, lors de cette année qui vient de  s’achever : la pluie et les évènements politiques.

Le premier traduisait le désir des populations, le second la volonté du régime en place de poser les premiers jalons de ce qu’il a appelé la Mauritanie nouvelle.

Si la pluviométrie a été largement déficitaire, il n’en a pas été de même pour les chapitres politiques qui ont été prolifiques.

Le plus important parmi ceux-ci a été le rejet, une première, par les sénateurs des amendements constitutionnels proposés par le gouvernement, et la décision du président Mohamed O. Abdel Aziz qui a suivi, celle de recourir à l’article 38 de la constitution pour organiser un referendum sur ces amendements.

Jamais autant de controverses que celles qui ont prévalu autour de cette question, favorisant du coup la création d’une nouvelle formation politique de l’opposition qui sera connu désormais sous le nom des « 8 ».

L’année qui vient de s’achever sera aussi marquée par la tenue du congrès de Tewassoul d’obédience islamique qui élu un nouveau président en remplacement de Mohamed Jemil Mansour, le premier à avoir occupé ce poste et l’un des piliers du projet islamique en Mauritanie.

Le sénat : la lutte pour la survie

Contrairement aux amendements constitutionnels de 2006 et 2012, acceptés sans stoïquement  et salués même pourrait-on dire, il n’en a pas été de même pour celles de 2017 qui ont largement lézardé les différentes composantes de la société.

Le mécontentement s’est même élargi à la majorité dont certains sénateurs ont voté contre ces amendements qui prévoient, entre autres dispositions la suppression de leur chambre.

Au cours du vote 33 sénateurs ont voté contre et 20 seulement en faveur du projet, une première politique, d’autant que la majorité des sénateurs appartiennent à la majorité présidentielle.

Bouée de sauvetage

Le rejet par les sénateurs des amendements constitutionnels s’apparente à l’ultime combat des samouraïs, mais le président Mohamed O. Abdel Aziz a trouvé la parade en tirant de son chapeau l’article 38, que les opposants ont assimilé à un coup sous la ceinture, interdit dans les combats du noble art.

Le chef de l’état s’est appuyé, dans sa décision, sur certains juristes constitutionnels qui soutiennent qu’il avait la possibilité de recourir à cet article, et donc consulter directement le peuple sur les amendements proposés, et passer outre la volonté des sénateurs.

Le pays était ainsi entré dans une grande controverse constitutionnelle, particulièrement au sein des juristes, dont certains estiment que l’article en question ne concerne que les « questions nationales » mais pas les amendements constitutionnels évoqués dans d’autres articles de la constitution, tandis que d’autres y voyaient « la clé magique » mise dans la poche du président pour déverrouiller la constitution.

Au beau milieu de ces dissensions, le président Mohamed O. Abdel Aziz a refusé le retour à un nouveau dialogue politique avec l’opposition et a insisté pour dire que le dernier mot appartient au peuple et balayé d’un revers de la main l’accusation portée contre lui d’avoir ignoré le parlement en décidant une consultation populaire après le rejet par le sénat des amendements constitutionnels.

Un referendum troublant

Le 15 juillet dernier près de 1,4 millions d’électeurs ont été convoqués à un referendum autour des amendements constitutionnels à l’origine d’une épissure à la fois politique et juridique, malgré que ce referendum ait été le fruit d’un dialogue politique entre la majorité présidentielle et l’opposition dialoguiste, boycotté cependant par le forum national pour la démocratie et l’unité, le plus grand rassemblement de l’opposition en Mauritanie et par le parti du rassemblement des forces démocratiques.

La tension entre les deux camps est montée d’un cran pendant quelques mois pour arriver à son apogée la veille du referendum après que les autorités aient refusé l’autorisation pour des marches de protestation envisagées par l’opposition.

Face à la détermination de l’opposition de marcher contre le referendum, des heurts ont opposé les manifestants aux forces de l’ordre qui ont fait usage de gaz lacrymogène pour disperser les manifestants et a même procédé à des arrestations au sein de l’opposition.

Au terme de trois semaines d’attente, les résultats officiels ont été rendus publics, c’est-à-dire le 5 août annonçant l’adoption des amendements par 53,73%, malgré de grandes réserves formulées par l’opposition, particulièrement autour du taux de participation.

Cette dernière a qualifié de « referendum de morts » cette consultation populaire, accusant le pouvoir d’avoir fait voter des personnes déjà mortes.

Les acteurs politiques unis après le referendum

La tension est de nouveau montée après la proclamation des résultats et les sénateurs et les partis de l’opposition dite radicale ont rejeté les résultats du referendum, considéré comme un coup d’état contre la constitution, une atteinte à l’unité du pays et sa cohésion en changeant ses symboles, l’hymne et le drapeau, et la porte ouverte à un troisième mandat.

 Les sénateurs ont constitué un nouveau bureau qui a demandé aux autorités, dans un communiqué distribué récemment, à faire preuve de sagesse et de revenir sur leurs décisions qui piétinent la constitution, ajoutant qu’ils ont étudié les situations dangereuses que vit la Mauritanie après « le coup d’état du 5 août 2017 » et mis en garde contre les conséquences de la poursuite de la violation de la loi et de la constitution.

Aux protestations quotidiennes des sénateurs, le gouvernement est resté sourd, faisant usage de la force, en les assignant dans les locaux du sénat et en dispersant leur manifestation aux abords de l’hémicycle, avant de déposer en prison le sénateur Mohamed O. Ghadda, le plus virulent opposant aux amendements constitutionnels, et de placer d’autres sous contrôle judiciaire.

La nouvelle coordination annoncée par l’opposition pour empêcher le referendum n’a pas échappé à la colère des autorités qui lui ont interdit les marches de protestation, et qui ont violemment réprimé leur mouvement, certains de leurs dirigeants ayant été blessés par la police.

Les images des images des blessures subies par ces dirigeants politiques ont été l’objet de vives réprimandes populaires sur les réseaux sociaux.

Auparavant l’opposition avait adressé des correspondances aux missions diplomatiques, à la commission électorale nationale indépendante et au conseil constitutionnel pour expliquer les dangers de ce qu’elle a appelé le coup d’état constitutionnel et pour demander d’y renoncer.

La coordination de ce qu’on a appelé par la suite le groupe des « 8 », est composée du forum national pour la démocratie et l’unité, le RFD, le front des forces de changement, le parti Sawab, le mouvement IRA, le parti de la patrie, le parti INAD et le mouvement « impossible de changer la constitution ».

L’après referendum

Dès l’application des résultats du referendum, l’opposition avait annoncé une nouvelle stratégie pour gérer l’après amendements constitutionnels, une stratégie qui n’a rien apporté jusqu’à présent.

L’acte le plus récent de la lutte des « 8 » a été des marches de protestation dans la capitale qui se sont données rendez-vous au carrefour Madrid, avant de se diriger vers la place Ibn Abass où s’était tenu un meeting populaire au cours duquel les dirigeants de l’opposition ont dénoncé les agissements du pouvoir et menacé d’échec tous ses plans.

Toujours est-il que le pouvoir ne semble nullement inquiété par le discours de l’opposition et ses plans, le parlement, désormais monocaméral, ayant adopté tous les projets de lois relatifs à la mise en application des résultats du referendum.

Le sénat a été dissous, des lois organisant les conseils régionaux et déterminant leurs limites territoriales, leur organisation, leurs prérogatives et leur systèmes de fonctionnement ont été adoptés, alors que le nouvel emblème national a été hissé et le nouvel hymne joué lors des festivités commémoratives de  l’anniversaire de l’indépendance nationale organisé cette année à Kaédi, ceci au moment où le sénateur Mohamed O. Ghadda est toujours en prison.

O. Ghadda

Bien des mauritaniens considèrent que Mohamed O. Ghadda a été, sans aucun doute, la plus importante personnalité politique de l’opposition au cours de l’année 2017, d’abord par son opposition aux amendements constitutionnels mais surtout leur rejet par le sénat, l’homme ayant été l’artisan de cet échec.

Il ya enfin cet accident de la route dont il a été à l’origine sur l’axe de Rosso, et à l’issue duquel il avait été arrêté.

Cette arrestation a constitué le début d’une série d’évènements, dont le plus important reste sans aucun doute les enregistrements révélés par son téléphone personnel, que le régime considère révélateurs d’actes de gabegie et de corruptions dans lesquels sont impliqués les sénateurs lors du vote contre les amendements constitutionnels.

Ces mêmes enregistrements ont également révélé une coordination entre O. Ghadda et l’homme d’affaires en exil à l’étranger, Mohamed O. Bouamatou, tous deux virulents opposants au régime de Mohamed O. Abdel Aziz.

Libéré quelques jours après son arrestation, O. Ghadda est apparu dans certains médias pour révéler un espionnage dont il avait été victime, et ce sera le début d’une guerre larvée entre l’homme et le pouvoir, surtout depuis que le sénateur a divulgué un enregistrement dans lequel un témoin révèle une nouvelle version de l’incident de Tweyla, au cours duquel le président O. Abdel Aziz a été atteint d’une balle en 2012.

Quelques jours plus tard le sénateur a été de nouveau arrêté et reste encore détenu à ce jour.

Les élections de Tewassoul

L’année 2017 s’est également achevée sur une note politique, avec la tenue du congrès du parti Tewassoul, d’obédience islamique, au terme duquel a été élu un nouveau président pour cette formation politique, un fait inédit en Mauritanie.

En effet c’est la première fois qu’un président de parti politique accepte de quitter son poste à la fin de son mandat.

Le parti Tewassoul s’est choisi un nouveau président, après le charismatique Mohamed Jemil Mansour, en la personne du Dr Mohamed Mahmoud O. Sidi.

Ce congrès du parti Tewassoul, la formation politique de l’opposition la plus représentée au parlement, a réussi à réunir tous les acteurs politiques du pays, majorité comme opposition.

Des personnalités de carrures internationales ont également été invitées à ce congrès, comme par exemple l’ancien responsable politique du mouvement palestinien Hamas, Khaled Michal, le vice président du parti Ennahda, Abdel Fatah Moro, mais aussi des hôtes du Maroc et du Sénégal.

Un pied au nez du parti Tewassoul aux autres formations politiques du pays qui n’ont jamais connu d’alternance y  compris même l’union pour la république, le parti au pouvoir dont les quatre présidents qui se sont succédés à sa tête ont tout l’air d’avoir été désignés.

Les attentes de l’année prochaine
 
 La page 2017 est désormais tournée et celle de 2018 ouverte devant un certain nombre de prévisions attendues avec un grand intérêt par la rue mauritanienne qui attend de savoir ce qu’il adviendra du bras de fer entre l’opposition dans sa nouvelle composition et le gouvernement.

Politiquement 2018 sera chargée car elle devra connaître l’élection des conseils régionaux appelés à remplacer le sénat, des élections municipales, avec un doute à propos des élections parlementaires.

Il est probable que le mandat de l’actuelle assemblée nationale soit prolongé, une élection de plus, au cours de la même année pourrait peser lourd sur les moyens de l’état.
  


 

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